LFSS 2015 du 22 décembre 2014 : bonnes et moins bonnes nouvelles….

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le 1er décembre dernier, l’Assemblée nationale a, notamment, adopté en dernière lecture, deux articles de loi qui méritent l’attention.

Ces articles ont été repris par la loi n°2014-1554 du 22 décembre 2014.

Tout d’abord, le législateur a adopté un article 27 modifiant l’article L243-6 du code de la sécurité sociale relatif à la prescription triennale s’attachant aux cotisations AT-MP indûment versées par les employeurs.
Cet article prévoit que « Lorsque l’obligation de remboursement des cotisations naît d’une décision rectificative d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail en matière de taux de cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles, la demande de remboursement des cotisations peut porter sur l’ensemble de la période au titre de laquelle les taux sont rectifiés. »
Le texte sera applicable aux recours formés devant les caisses primaires et CARSAT à compter du 1er janvier 2015.
Il doit être rapproché de l’arrêt prononcé le 10 juillet 2014 par la Cour de Cassation au terme duquel il était jugé que «  lorsque l’indu résulte d’une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l’action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l’obligation de remboursement découlant de cette décision. » (cf Cass Civ 2ème, pourvoi n°12-25-985)

 

De moins bonne augure, le législateur a adopté l’article 70 qui vient réformer la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé », loi dite Kouchner.
La grande innovation de ce texte de loi était, il convient de le rappeler, outre le droit à l’accès au dossier médical par le patient, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des conséquences de certains accidents médicaux non fautifs, ou aléas thérapeutiques, prévue par l’article L1142-1 du code de la santé publique :
« Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci. »
Auparavant, seule la démonstration de l’existence d’une faute commise par le professionnel de santé permettait la mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle par le patient. (Cf Cass Civ 1ère, 8 novembre 2000, pourvoi n°99-11.735)
Seuls les actes de prévention, de diagnostic ou de soins étaient susceptibles de donner lieu à indemnisation dans les conditions susvisées en l’absence de faute du professionnel de santé.
A titre d’exemple, les conséquences d’un accouchement par voie basse sans manoeuvre obstétricale, et exclusif de toute faute du corps médical, était considéré comme un acte naturel et non un acte de soins, et ainsi exclu du dispositif.
En revanche, la chirurgie esthétique pure peut ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale, un arrêt récent du 5 février 2014 soulignant que « les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322 1 et L. 6322 2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du même code ». (cf Cass Civ 1ère, 5 février 2014, pourvoi n°12-29.140)
La solution ne surprit guère puisque la doctrine estimait que « lorsqu’il s’avérera que la conséquence grave d’un acte de chirurgie esthétique est constitutive d’un accident médical, l’indemnisation par la solidarité nationale (ONIAM) sera possible car la notion d’accident médical visé par l’article L.1142-22 du code de la santé publique n’exclut pas la médecine ou la chirurgie esthétique ». («centenaire jurisprudentiel de la chirurgie esthétique : permanences de fond, dissonances factuelles et prospective », P. Sargos, Dalloz 2012 p. 2903)
Cela étant, il convient pour prétendre à une indemnisation que le dommage atteigne un seuil de gravité fixé par l’article D1142-1 du code de la santé publique :
« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence. »
Mais voilà qu’après près de 12 ans de mise en oeuvre, le dispositif est revu dans le sens d’une restriction pour le droit des patients.
L’article 70 vient en effet réduire le champ d’application du mécanisme d’indemnisation des l’aléa thérapeutique en complétant l’article L1142-3-1:
« I. – La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1142-3-1 ainsi rédigé :

 

« Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L. 1142-1, à l’article L. 1142-1-1 et à l’article L. 1142-15 n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.

 

« II. – Toutefois, le recours aux commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 exerçant dans le cadre de leur mission de conciliation reste ouvert aux patients ayant subi des dommages résultant des actes mentionnés au I. »

 

II. – Le présent article s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014. »

 

 lorsque l’indu résulte d’une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l’action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l’obligation de remboursement découlant de cette décision ; que, dès lors, il n’apparaît pas que la disposition législative critiquée méconnaisse le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de propriété, le principe d’égalité devant la loi ou de sécurité juridique dont découlent les exigences d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ; que la question posée ne présente donc pas un caractère sérieux au regard des exigences qui s’attachent aux dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués
Aussi, il faudra, désormais, démontrer que l’acte médical non fautif remplit les critères de gravité fixés par le législateur, mais également, le cas échéant, prouver que l’acte médical avait une visée thérapeutique.
Seront ainsi exclus de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale en cas d’aléa thérapeutique, les patients ayant eu recours à la chirurgie esthétique non réparatrice, mais aussi les patients victimes d’un accident médical à la suite de la prise de produits pour une interruption volontaire de grossesse, les patients qui pourraient décéder ou être mutilés lors d’une intervention de circoncision rituelle lorsqu’aucune faute ne peut être prouvée.