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Affaire Perruche, ce n’est pas fini : à propos de l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 2011

 

 

Pour mémoire :

 

 
 –17 novembre 2000 : Arrêt dit Perruche : la Cour de cassation permet l’indemnisation du préjudice d’un enfant résultant du fait d’être né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, et confirme l’indemnisation du préjudice (moral et matériel) de ses parents résultant de leur impossibilité d’interrompre la grossesse du fait de l’erreur du diagnostic prénatal.

 

 

4 mars 2002 : loi dite Kouchner introduisant l’article L114-5 du code de l’action sociale et des familles (entrée en vigueur le 7 mars 2002) : 1. La loi neutralise la jurisprudence Perruche en interdisant à toute personne de se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance (action de l’enfant neutralisée). 2. La loi cantonne la réparation du préjudice des parents au seul préjudice moral, leur préjudice matériel étant supporté par la solidarité nationale (action des parents limitée). 3. La loi prévoit qu’elle sera applicable aux instances en cours, c’est-à-dire, à toutes instances initiées avant son entrée en vigueur (7 mars 2002) et non encore jugées définitivement (rétroactivité de la loi)

 

 

6 octobre 2005 : Inconventionnalité de la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 : Par deux arrêts, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a estimé que la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 aux instances en cours était contraire à l’article 1 du protocole 1 de la convention européenne des droits de l’homme, et a, en conséquence, accueilli la demande des requérants (en l’espèce les parents d’un enfant dont le handicap n’avait pas été décelé au cours de la grossesse) d’être indemnisés de leurs entiers préjudices (moral et matériel), en dehors du régime prévu par la loi du 4 mars 2002.

 

 

24 janvier 2006 : Application de la jurisprudence européenne par la Cour de cassation : Par trois arrêts, la Cour de cassation rejoint la décision de la CEDH relative à la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002. La Cour exclut l’application de la loi aux affaires initiées avant son entrée en vigueur, et non encore définitivement jugées, au motif que l’enfant né handicapé, ainsi que ses parents pouvaient légitimement espérer, selon la jurisprudence de l’époque, qu’ils seraient indemnisés du préjudice résultant de son handicap pour l’un, et de leurs préjudices matériel et moral pour les autres.

 

 

11 juin 2010 : Question prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à la loi du 4 mars 2002 : Le Conseil Constitutionnel déclare la loi du 4 mars 2002 constitutionnelle exception faite de la disposition prévoyant son application aux instances en cours. Le Conseil Constitutionnel n’avait pas d’autre choix que de suivre la décision de la CEDH. Aussi, il déclare inconstitutionnelle la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 en ce qu’elles s’appliquent aux instances en cours, mais considère qu’il y a des motifs d’intérêt général pouvant justifier l’application de cette loi aux instances engagées après le 7 mars 2002 au titre de situations juridiques nées antérieurement (Considérant 23).

 

 

13 mai 2011 : Application stricte de la QPC par le Conseil d’Etat : Par deux arrêts, le Conseil d’Etat rejette l’action initiée après le 7 mars 2002 d’un enfant né avant le 7 mars 2002 et de ses parents, en se fondant sur les motifs de la décision du Conseil Constitutionnel. Il applique la loi à toutes les affaires initiées après le 7 mars 2002.

 

 

15 décembre 2011 : la Cour de cassation exclut l’application de la loi du 4 mars 2002 aux situations juridiques nées antérieurement au 7 mars 2002, indépendamment de la date de l’action en justice.

L’arrêt du 15 décembre 2011

 

Par son arrêt du 15 décembre 2011 (pourvoi n°10-27.473), la Cour de cassation affirme que les enfants, nés avant son entrée en vigueur, pourraient être indemnisés de leur préjudice d’être né, indépendamment de la date de l’introduction de leur demande en justice.

 


 

En l’espèce, un enfant naît en 1988, atteint d’une anophtalmie bilatérale non décelée pendant la grossesse. L’enfant handicapé, et ses parents agissant tant en leur nom propre qu’au nom de leurs autres enfants mineurs, assignent le médecin en 2006, afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices résultant de l’impossibilité d’interrompre la grossesse du fait de l’erreur de diagnostic prénatal.

 

Ce faisant, la Cour de Cassation va à l’encontre de la position du Conseil Constitutionnel, qui avait été clairement exprimée au terme de sa décision QPC du 11 juin 2010 : l’article L114-5 du code de l’action sociale et des familles est conforme à la Constitution sauf en ce qu’il s’applique aux instances en cours (ie qui ont débuté avant le 7 mars 2002, et n’ont pas été jugées définitivement à cette date).

 

Ainsi, les demandes au titre de la réparation du préjudice d’être né, et du préjudice matériel des parents ne peuvent être formées que dans le cadre des instances en cours au 7 mars 2002. 
De plus, le Conseil Constitutionnel avait précisé expressément que pour des raisons d’intérêt général, la loi du 4 mars 2002 s’appliquerait aux instances nées postérieurement au 7 mars 2002 et concernant des situations juridiques constituées avant cette date (Considérant n°23 décision QPC n°2010-2).
 L’avocat Général de l’arrêt Perruche, Jerry Sainte Rose, estime que la Cour de cassation fait « une totale abstraction de la décision constitutionnelle qui s’impose à elle », mais aussi de la loi qu’elle ne vise a aucun moment dans son arrêt : « La volonté du législateur ne fait pas de doute, il souhaitait mettre un terme à l’action de l’enfant et des parents. »

 

 

Par cet arrêt du 15 décembre 2011, la Cour de Cassation se démarque de la jurisprudence administrative.
En effet, et par ses deux décisions du 13 mai 2011, le Conseil d’Etat avait, quant à lui, fait une stricte application de la décision du Conseil Constitutionnel et rejeté la demande d’indemnisation des parents et de l’enfant né avant le 7 mars 2002 lorsque celle- ci avait été introduite après cette date.

 

Les conséquences de cet arrêt
 

 

En premier lieu, et s’agissant de l’action des parents, cet arrêt ne va bientôt plus avoir d’impact.
En effet, comme le laisse entendre la Cour de cassation, les parents dont leur enfant est né avant le 7 mars 2002, et dont le handicap n’a pas été détecté pendant la grossesse, peuvent demander l’indemnisation de leurs préjudices moral et matériel, sans que la loi ne s’applique. 
Rappelons que l’action en justice des parents se prescrit par 10 ans à compter de leur « dommage« , en l’espèce : la naissance de leur enfant.
Ainsi, les parents d’un enfant né avant le 6 mars 2002, n’avaient que jusqu’au 6 mars 2012 pour intenter une action en justice, et contourner l’application de l’article L114-5 du code de l’action sociale et des familles.

 

A compter du 7 mars 2012, cet article interdit, de manière définitive, toute demande des parents, sans contestation possible.

 

  
En second lieu, et concernant l’action de l’enfant né handicapé, qui est le cœur éthique de l’affaire Perruche et ses suites. 
Selon la décision de la Cour de cassation, tous les enfants nés, après une erreur de diagnostic prénatal, avant le 7 mars 2002, peuvent être indemnisés du préjudice d’être né.

 

Or l’action en indemnisation de ces enfants se prescrit par 10 ans à compter de leur majorité. 

 

Ainsi les derniers susceptibles d’être concernés par cette action, nés le 6 mars 2002, auront jusqu’au 6 mars 2030 pour intenter une action en justice.

 

Par sa décision du 15 décembre 2011, la Cour de cassation repousse les effets de l’article L114-5 du code de l’action sociale et des familles, et ce jusqu’au 6 mars 2030.
D’une situation juridique que tous croyaient définitivement réglées, la Cour de Cassation ouvre une dernière brèche.

 

 

Cette décision « contra-legem » de la Cour de cassation vient faire ressurgir le préjudice d’être né et toutes les questions éthiques qui en émanent.

 

Seule une interdiction, que seul le législateur pourrait prendre à l’encontre de toutes actions relatives au préjudice d’être né, lorsqu’elles sont postérieures à la loi du 4 mars 2002, pourrait mettre un terme à cette situation.

Transport aérien : retard, annulation, refus d’embarquement, quels recours?

Qui n’a pas en mémoire des exemples de frondes de passagers, immobilisant l’appareil au sol, ou empêchant l’embarquement d’autres vols pour protester contre leur transporteur défaillant?

Si l’on peut comprendre le mécontentement des passagers, il reste que ces derniers ne sont pas démunis.
 
En effet, les transporteurs aériens sont tenus au respect de certaines obligations à l’égard de leurs passagers en cas de retard ou d’annulation du vol.
 
Ces obligations sont prévues par la règlementation communautaire (règlements CE n°26/2004 du Parlement Européen et du Conseil en date du 11 février 2004, et CE n°2011/2005 en date du 14 décembre 2005).
 
Ces obligations ont vocation à s’appliquer à tous les vols au départ ou en provenance de l’Union européenne (outre la Suisse, la Norvège et l’Islande), ainsi qu’à tous les vols exploités par une compagnie communautaire.
 
Attention, s’il existe une règlementation dans un pays tiers de départ, c’est cette règlementation qui trouvera application.

En cas de retard
 
Seuls les retards de plus de 5h donne lieu à la possibilité d’obtenir le remboursement du billet, si le passager opte pour l’annulation de son voyage.
 
En cas de retard de plus de 2h, seule une prise en charge (boisson, restauration, et communication) est obligatoire.

En cas d’annulation du vol
 
Les passagers ont droit au remboursement de leur billet ou à la possibilité de voyager sur un autre vol, selon les disponibilités.

Une indemnité forfaitaire est, en outre, due au passager.
 
Elle est fonction de la distance de vol :
 
– 250 euros pour les vols inférieurs à 1.500km,
– 400 euros pour les vols intracommunautaires de plus de 1.500km, et tous les autres vols compris entre 1.500 et 3.500km,
– 600 euros pour les vols extracommunautaires de plus de 3.500km.
 
Notez, toutefois, que ces sommes sont réduites de moitié si les passagers arrivent à destination
– moins de 2h après leur arrivée initiale pour les vols inférieurs à 1.500km,
– moins de 3h après leur arrivée initiale pour les vols intracommunautaires de plus de 1.500km, et tous les autres vols compris entre 1.500 et 3.500km,
– moins de 4h après leur arrivée initiale pour les vols extracommunautaires de plus de 3.500km.
 
Cependant, en cas d’annulation plus de 2 semaines à l’avance, aucune indemnité n’est due. De la même manière, si dans le délai de 2 semaines avant le vol, l’horaire est modifié, mais de manière non substantielle, aucune indemnité n’est versée.
 
Enfin, aucune indemnisation n’est due en cas de circonstances extraordinaires (conditions météorologiques, risque politique, grève inopinée…)
 
Sur ce point, l’appréciation des juridictions reste, cependant, souveraine. A titre d’exemple, les annulations liées au risque cyclonique dans le golfe du Mexique ne sont pas considérées comme relevant de circonstances extraordinaires. Certaines décisions ont, également, admis que l’éruption du volcan Eyfjafjöll ne constituait pas un cas de force majeure, exonérant la compagnie de ses obligations.
 
En matière de prise en charge du passager, en cas de retard (d’au moins 2h) ou d’annulation :
 
Dans ces deux cas, la compagnie doit offrir, gratuitement, les compensations suivantes :
 
– un repas et des boissons (en fonction du délai d’attente),
– un hébergement à l’hôtel, et les transferts vers et de l’hôtel, si l’attente dure au moins une nuit, ou si le passager est contraint d’ajouter une nuit d’hôtel à son déplacement,
– la possibilité d’effectuer 2 appels téléphoniques, ou d’envoyer 2 messages (fax, mail…)
 
le refus d’embarquement, conséquence ponctuelle du yield management…
 
La surréservation est couramment pratiquée par les compagnies aériennes. C’est même une technique de management destinée à optimiser le remplissage des avions : ainsi, plus de billets que de places disponibles à bord sont vendus, le transporteur misant sur des annulations de dernière minute, qui, statistiquement, permettent, en définitive, l’embarquement de tous les passagers.
 
Mais il arrive, malheureusement, que cela ne soit pas le cas.
 
La compagnie doit, alors, faire appel, en premier lieu, à d’éventuels volontaires qui accepteraient de renoncer à leur vol, ou de le reporter.
 
Ces volontaires ont la possibilité de demander le remboursement intégral de leur billet, ou de solliciter un siège sur un autre vol. Le remboursement doit intervenir dans les 7 jours.
 
Si le refus d’embarquement se produit au cours d’une escale, et que le passager accepte de renoncer à son voyage, la compagnie doit prendre en charge l’acheminement jusqu’à l’arrivée
 
 En second lieu, si le nombre de volontaires n’est pas suffisant, la compagnie peut refuser l’embarquement à des passagers, qui sont en droit d’obtenir une compensation supplémentaire, négociée de gré à gré, à l’indemnité forfaitaire prévue par la règlementation européenne.

Cette indemnité forfaitaire est la même que celle prévue en cas d’annulation du vol (voir plus haut).
 
 
Bon à savoir : l’indemnisation du passager doit être versée en espèces, par virement ou par chèque. Les bons d’achat, d’échange ou de voyage ne peuvent être imposés au voyageur.