Archives mensuelles : février 2013

Diagnostic anté natal et faute caractérisée : un exemple récent de la Cour de Cassation, par un arrêt du 16 janvier 2013

 

Par cet arrêt, la Cour de Cassation précise les contours de la « faute caractérisée » en matière de diagnostic anté-natal.


Les critères dégagées par la Cour renvoient aux dispositions de l’article L114-5 du code de l’action sociale et des familles, applicables en l’espèce.

Pour  mémoire :

« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »


La faute caractérisée, propre à l’appréciation de l’éventuelle responsabilité à l’égard des parents d’un professionnel de santé qui n’aurait pas décelé un handicap pendant la grossesse, se distingue bien de la faute, requise par l’article L1142-1 du code de la santé publique, qui est, quant à elle, appréciée à l’aune de l’obligation de moyens du médecin.

Voici le texte de l’arrêt :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 15 décembre 2011), que, le 13 mai 2005, Mme Y… a accouché d’une fille prénommée Tifanny présentant une agénésie de l’avant-bras droit, qu’au cours de sa grossesse, elle avait fait l’objet de trois échographies, la première pratiquée le 16 novembre 2004 par M. A…, les deux autres les 26 janvier et 30 mars 2005, par M. X…, tous deux médecins échographistes ; que M. et Mme Y… ont recherché la responsabilité des deux praticiens ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal :


Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le condamner in solidum avec M. A…, à réparer le préjudice moral subi par M. et Mme Y…, alors, selon le moyen, que la responsabilité d’un professionnel de santé envers les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse suppose la commission d’une faute caractérisée ; que, s’agissant d’une échographie, la faute caractérisée est celle qui, par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation, compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ; qu’en l’espèce, en affirmant que M. X… avait commis une faute caractérisée sans préciser en quoi la mention dans le compte-rendu de l’échographie de l’existence de membres supérieurs du foetus dépassait la marge d’erreur habituelle d’appréciation pour un examen qui comporte une irréductible part d’aléa, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;


Mais attendu que la cour d’appel a relevé que M. X… avait indiqué, dans son compte-rendu écrit du 26 janvier 2005, que les membres étaient « visibles avec leurs extrémités » ; qu’elle a pu en déduire que cette affirmation constituait une faute qui, par son intensité et son évidence, était caractérisée au sens de l’article précité ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :


Attendu que M. A… reproche également à l’arrêt de le condamner à l’égard de M. et Mme Y…, alors, selon le moyen :


1°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. A…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, sans indiquer en quoi, compte tenu de l’état de développement du foetus, peu avancé lors de la première échographie, cette erreur constituait une faute caractérisée, compte tenu des difficultés et de la marge d’erreur inhérentes à ce type d’examen, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;


2°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. A…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, motif pris qu’il s’était montré négligent et trop hâtif dans son examen, sans relever aucun élément permettant d’établir que M. A… n’aurait pas consacré à l’examen médical tout le temps et l’attention que celui-ci requérait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;


Mais attendu que la cour d’appel, qui a déduit l’existence d’une faute caractérisée au sens de l’article précité, de la constatation que M. A… avait affirmé, dans le compte-rendu écrit de l’examen, la présence de deux mains, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; »

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, arrêt du 16 janvier 2013, pourvoi n°12-14.020


10 ans d’application de la Loi dite Kouchner, un ouvrage fait un bilan !

La loi du 4 mars 2002, dite « loi Kouchner », a eu 10 ans au mois de mars 2012.
 
Ce texte, réformateur en droit de la santé, a fait l’objet d’une étude par l’Institut du droit de la santé de l’université Bordeaux IV qui a réuni d’éminents spécialistes des questions de responsabilité médicale.
 
Différents thèmes sont abordés et analysés : la création de l’ONIAM, les CCI (ex-CRCI), l’expertise judiciaire…
 
L’infection nosocomiale, la réparation du préjudice et l’évolution permanente de son périmètre, la faute d’humanisme sont autant de sujets traités avec précision et justesse.
 
L’intérêt de cette publication est de confronter les réflexions d’intervenants d’horizons variés : magistrats, médecins, avocats et juristes, universitaires, représentants des victimes.
 
Publié auprès de la Bibliothèque Numérique de droit de la santé et d’éthique médicale, et disponible en suivant le lien suivant :
 
http://www.bnds.fr/revue/rgdm/dix-ans-d-application-de-la-loi-kouchner.html