Archives mensuelles : décembre 2014

Indépendance de l’exercice de la profession médicale : un diagnostic rassurant effectué par un médecin ne peut permettre d’exonérer son successeur de sa responsabilité

Arrêt de la 2ème chambre civile en date du 30 avril 2014, pourvoi n°13-14.288
 
Sur le moyen unique, pris en sa première branche : 
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Riom, 16 janvier 2013), de rejeter ses demandes en dommages intérêts à l’encontrede M. Y…, médecin, que son épouse Brigitte X… avait consulté en 2002, afin d’obtenir un deuxième avis, à la suite d’une suspicion de tumeur de l’utérus (léomyosarcome), avancée par un confrère, dont celle ci est décédée en 2009, alors, selon le moyen, que le professionnel de santé engage sa responsabilité contractuelle pour les conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui n’ont pas été accomplis selon les données acquises de la science ; qu’en l’espèce, il est acquis aux débats que le diagnostic de sarcome utérin avait été posé dès 2002 par M. Z…, qui avait recommandé une hystérectomie ; que cette opération a été retardée par la patiente jusqu’en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère posé par M. Y… au vu de résultats différents de l’anatomopathologie ; qu’en retenant, pour décider que ce dernier n’avait pas commis de faute à l’origine du retard de traitement de Brigitte X… qu’il n’avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu qu’un médecin, tenu, par l’article R. 4127 5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Faute de la victime et responsabilité pénale

A propos de Cass Crim, 11 mars 2014, pourvoi  n°12.86-796, F+B+R+I
 
Un employeur était poursuivi pour homicide involontaire à la suite de la mort de l’un de ses salariés, décédé après le versement d’un tracteur sur lequel il avait pris place, et qui était conduit par un autre salarié, également poursuivi.
En cause d’appel la Cour avait estimé que l’employeur n’avait pas respecté son obligation d’assurer la sécurité du salarié, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire comprendre à la victime, qui ne parlait pas français, les mesures de prudence à adopter lors de l’utilisation du tracteur.
Selon la Cour d’Appel de Bourges dans son arrêt du 20 septembre 2012, ces faits étaient bien constitutifs d’une « violation délibérée » telle qu’exigée par les dispositions de l’article 121-3 du code pénal ». (pour mémoire, l’article 121-3 du code pénal est ainsi rédigé : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force majeure. »)
Par un arrêt en date du 11 mars 2014, la Cour de Cassation a validé le raisonnement tenu par la Cour d’Appel de Bourges.
Pour se déterminer ainsi, la chambre criminelle, a retenu qu’il résultait des motifs de la cour d’appel que le prévenu avait commis une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 du code pénal.
Ce faisant, la chambre criminelle a qualifié la faute commise par l’employeur, ce qu’avait omis de faire la cour d’appel. En  effet, en se contentant d’affirmer que le prévenu avait commis « la violation délibérée exigée par les dispositions de l’article 121-3 », la Cour d’Appel semblait se référer à la « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » exigée par le code pénal.
Pour autant, et c’est ce que n’avait pas fait la Cour d’Appel, il est alors impératif d’identifier le texte législatif ou réglementaire qui aurait été violé, ce qu’elle n’avait pu faire, en l’absence de texte auquel se reporter.
La Cour d’Appel s’est, ainsi, contentée de la mise en évidence d’une faute caractérisée, c’est à dire une faute exposant autrui à un danger d’une particulière gravité, que l’auteur ne pouvait ignorer. La jurisprudence retient assez largement la faute caractérisée s’agissant du manquement de l’employeur à son obligation d’assurer la sécurité de ses salariés, aussi bien lorsque les consignes de sécurité particulièrement importantes pour leur intégrité ne sont pas clairement communiquées (Cass Crim. 14 févr. 2012, n° 11-83.291) que lorsque l’employeur ne veille pas suffisamment au respect de ces consignes de sécurité (Cass Crim. 13 nov. 2012, n° 11-88.928).
Mais cet arrêt est aussi intéressant en ce qu’il est une illustration des conséquences de la faute de la victime sur la responsabilité pénale.
La faute de la victime n’a aucune incidence sur la responsabilité pénale de l’auteur des faits, quelle que soit la faute qui lui est reprochée (Cass Crim. 22 févr. 1995, Bull. crim. n° 82), à moins qu’elle ne soit la cause exclusive du dommage (Cass Crim. 11 mai 1982, Bull. crim. n° 118 ; Cass Crim, 19 févr. 2013, n° 12-81.108). 
En l’espèce, il était reproché à la victime de n’avoir pas respecté les consignes de sécurité qui lui avaient été prodiguées, aussi bien par l’employeur que par ses collègues. La victime a ainsi contribué à son propre dommage, en se plaçant dans une situation dangereuse. Pour autant, il reste que le lien de causalité entre le fait reproché à l’employeur et le dommage demeure, et le manquement de l’employeur dans la surveillance du respect des règles de sécurité par ses salariés a bien un lien de causalité certain avec le dommage, le comportement de la victime n’en étant pas la cause exclusive.
La Cour de Cassation s’est également prononcée sur le pourvoi formé par les parties civiles relatif au montant de la réparation qui leur était accordée. La cour d’appel l’avait réduit de moitié, en considérant que la faute commise par la victime exonérait partiellement les prévenus de leur responsabilité civile. La faute de la victime permet en effet d’exonérer partiellement l’auteur des faits de sa responsabilité civile (Cass Civ. 2e, 19 févr. 2004, Bull. civ. II, n° 75 ; Cass Civ 2e, 22 oct. 2009, n° 08-20.166), qu’elle soit volontaire ou involontaire.
Mais la chambre criminelle a cassé ces dispositions de l’arrêt d’appel, en affirmant que les juges auraient dû « faire application d’office à un accident de la circulation de la loi d’ordre public [n° 85-677] du 5 juillet 1985 », loi selon laquelle « la victime non conductrice d’un accident de la circulation ne peut être reconnue partiellement responsable de son propre dommage ». En effet, la réparation du dommage causé par un accident de la circulation est soumise à la loi du 5 juillet 1985, et en l’espèce, l’accident a été provoqué lors de la conduite d’un tracteur dans un champ. Si ce régime spécial s’applique évidemment aux accidents causés par un véhicule terrestre à moteur sur une voie ouverte à la circulation, elle s’applique également aux véhicules terrestres à moteur, circulant en dehors de ces voies, comme en l’espèce sur un champ (Civ. 2e, 10 mai 1991, n° 90-11.377), dès lors qu’ils sont en mouvement (Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 95.14-279). 
Dès lors, et du fait de l’applicabilité de la loi du 5 juillet 1985, il devait être fait application de son article 3 au terme duquel il ne peut être opposé aux victimes non conductrices leur propre faute, sauf s’il s’agit d’une faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident, ou encore lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi.
Ainsi, la cour d’appel ne pouvait ainsi réduire l’indemnisation versée à la victime sans rechercher l’existence d’une faute inexcusable de celle-ci et l’absence de toute autre faute ayant contribué à la réalisation du dommage.

Responsabilité des produits défectueux : les co-responsables le sont solidairement : pas de demande de garantie intégrale à l’encontre de l’un d’entre eux

Arrêt en date du 26 novembre 2014, pourvoi n°13.18-819

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : 
 
 
Donne acte à la société Ceramtec de ce qu’elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme X…, l’établissement Groupe Hopale et la CPAM de l’Artois ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 14 janvier 2003, Mme X… a subi l’implantation d’une prothèse de hanche réalisée par la société Wright Medical France, dont la tête en céramique, fabriquée par la société Ceramtec, s’est brisée le 24 octobre suivant ; qu’assignée en responsabilité par Mme X…, la société Wright Medical France a appelé la société Ceramtec en garantie ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Ceramtec fait grief à l’arrêt de juger qu’elle est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, alors, selon le moyen, que si le producteur de la partie composante du produit est admis à s’exonérer de sa responsabilité dans les conditions de l’article 1386-11 du code civil, aucune disposition légale n’offre une telle possibilité au producteur du produit fini, qui ne peut donc échapper à sa responsabilité solidaire avec le producteur de la partie composante, alors que celle-ci a été établie à l’égard de la victime ; qu’ainsi, une fois démontré le caractère défectueux du produit fini pris dans sa globalité, le producteur de celui-ci ne peut plus prouver, même dans ses rapports avec le producteur de la partie composante, que le défaut s’attacherait en réalité exclusivement à la partie composante, à laquelle seule le dommage serait imputable ; que le producteur du produit fini ne peut par conséquent prétendre, dans le cadre de son droit au recours contre le producteur de la partie composante, échapper à sa responsabilité de plein droit en invoquant une responsabilité exclusive de ce dernier ; qu’en décidant cependant en l’espèce que la société Wright Medical France était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société Ceramtec aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d’échapper à sa responsabilité de plein droit, la cour d’appel a violé l’article 1386-11 du code civil, ensemble l’article 7 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 1386-8 du code civil, qui transpose en droit interne l’article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, en cas de dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorporation sont solidairement responsables ; que, selon l’article 5 précité, la solidarité dont est assortie la responsabilité de plusieurs personnes dans la survenance d’un même dommage est sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu’il résulte de la combinaison de ces règles que le producteur du produit fini et celui de la partie composante sont solidairement responsables à l’égard de la victime, mais que, dans leurs rapports entre eux, la détermination de leur contribution respective à la dette ne relève pas du champ d’application de la directive et, notamment, des dispositions de l’article 1386-11 du code civil, qui transpose en droit interne l’article 7 de la même directive ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ensemble l’article 1386-8 du code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsque plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu’en droit interne, la contribution à la dette, en l’absence de faute, se répartit à parts égales entre les coobligés ;
Attendu que, pour décider que la société Ceramtec était tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l’arrêt retient que la cause exclusive du dommage est la rupture inexpliquée de la tête fémorale en céramique de la prothèse, sous-composant fabriqué par la société Ceramtec ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la société Ceramtec est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l’arrêt rendu le 14 mars 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;
Condamne la société Wright Medical France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
 
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Ceramtec GMBH.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit que dans leurs rapports, les sociétés WRIGHT MEDICAL FRANCE et CERAMTEC seraient tenues chacune pour moitié du montant des condamnations prononcées et statuant à nouveau, d’avoir dit que la société CERAMTEC est tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre au profit de Madame X… et de la CPAM de l’ARTOIS ;
AUX MOTIFS QUE « sur la garantie de la société WRIGHT MEDICAL FRANCE par la société CERAMTEC, qu’il appartient à la société WRIGHT MEDICAL FRANCE qui demande à être entièrement garantie par la société CERAMTEC de démontrer que la défectuosité de la tête fémorale que cette dernière a fabriquée a eu un rôle causal exclusif dans la réalisation du dommage ; que le compte-rendu opératoire du 23 octobre 2003 mentionne que tous les composants de la prothèse ont dû faire l’objet d’une ablation, en raison des rayures provoquées sur le col de la queue fémorale et de l’insert cotyloïdien par les fragments de céramique ; que le Docteur Y… n’a relevé aucune autre anomalie que la fragmentation de la sphère fémorale ; que l’expert n’a pas détecté d’éléments susceptibles d’expliquer la rupture de la sphère fémorale ; que la cause exclusive du dommage est donc bien la rupture inexpliquée de ce sous-composant fabriqué par la société CERAMTEC ; que cette dernière ne peut s’exonérer de sa propre responsabilité, dans ses rapports avec le producteur ayant réalisé l’incorporation du sous-composant défectueux, qu’en démontrant le vice de conception de la prothèse ou la défectuosité de l’assemblage ; qu’elle se contente d’émettre des hypothèses sur ces défauts qui seraient imputables à la société WRIGHT MEDICAL FRANCE sans en rapporter la moindre preuve ; qu’en conséquence, la société CERAMTEC sera donc tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL des condamnations prononcées solidairement à leur encontre du fait de la défectuosité de la prothèse » ;
ALORS QUE, D’UNE PART, si le producteur de la partie composante du produit est admis à s’exonérer de sa responsabilité dans les conditions de l’article 1386-11 du Code civil, aucune disposition légale n’offre une telle possibilité au producteur du produit fini, qui ne peut donc échapper à sa responsabilité solidaire avec le producteur de la partie composante, alors que celle-ci a été établie à l’égard de la victime ; qu’ainsi, une fois démontré le caractère défectueux du produit fini pris dans sa globalité, le producteur de celui-ci ne peut plus prouver, même dans ses rapports avec le producteur de la partie composante, que le défaut s’attacherait en réalité exclusivement à la partie composante, à laquelle seule le dommage serait imputable ; que le producteur du produit fini ne peut par conséquent prétendre, dans le cadre de son droit au recours contre le producteur de la partie composante, échapper à sa responsabilité de plein droit en invoquant une responsabilité exclusive de ce dernier ; qu’en décidant cependant en l’espèce que la société WRIGHT MEDICAL FRANCE était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société CERAMTEC aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d’échapper à sa responsabilité de plein droit, la Cour d’appel a violé l’article 1386-11 du Code civil, ensemble l’article 7 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 ;
ALORS QUE, D’AUTRE PART, l’article 5 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 prévoit que « si, en application de la présente directive, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours » ; qu’il résulte des règles de la responsabilité civile prévalant en droit national français que la contribution à la dette entre coresponsables d’un même dommage a lieu à proportion de leurs fautes respectives et qu’en l’absence de faute prouvée à la charge des responsables, la contribution se fait alors à parts égales entre eux ; que la responsabilité du fait des produits défectueux constitue un régime de responsabilité sans faute, subordonné à la seule preuve d’un défaut du produit, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux ; qu’en conséquence, dans le cas où le producteur du produit fini et celui d’une partie composante engagent solidairement leur responsabilité à l’égard de la victime à raison du défaut affectant globalement le produit, leur contribution à la dette doit s’opérer par parts égales, aucune faute n’étant établie à la charge de l’un d’eux ; qu’en décidant cependant en l’espèce que la société WRIGHT MEDICAL FRANCE était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société CERAMTEC aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d’échapper à sa responsabilité de plein droit, la Cour d’appel a violé les articles 1386-8 et 1386-9 du Code civil, ensemble l’article 5 de la directive CE 83/374 du 25 juillet 1985 ;
ALORS QU’EN OUTRE, subsidiairement, la contribution à la dette entre coresponsables d’un même dommage ne peut en tout état de cause se faire de façon inégale qu’en cas de faute prouvée à la charge de l’un d’eux ; qu’en décidant en l’espèce que la société CERAMTEC devait être tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre, sans constater l’existence d’une faute prouvée à la charge de la société exposante, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-8 et 1386-9 du Code civil, ensemble l’article 5 de la directive CE 83/374 du 25 juillet 1985 ;
ALORS QU’ENFIN, subsidiairement, l’action du producteur du produit fini contre celui de la partie composante tendant à faire peser sur ce dernier l’entière contribution à la dette suppose en tout état de cause qu’il démontre à tout le moins que le dommage subi par la victime est imputable au seul défaut de la partie composante ; que cette imputabilité exclusive ne saurait être présumée, et en particulier déduite de la rupture inexpliquée de cette partie composante, laquelle ne permet pas d’établir le lien de causalité exclusif entre le défaut de la partie composante et le dommage ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté que « l’AFSSAPS a fait connaître à l’expert que sur les 156 têtes de ce lot qui ont été implantées, aucun autre cas de rupture n’a été rapporté et l’analyse des données de production du lot n’a mis en évidence aucune non-conformité quant aux dimensions et à la matière utilisée », que « l’expert n’a pas détecté d’éléments susceptibles d’expliquer la rupture de la sphère fémorale » et que « les causes de la rupture de la tête fémorale (¿) ne sont établies ni par l’expertise, ni par la moindre pièce » ; qu’en retenant cependant, pour décider que la société CERAMTEC devait être tenue de garantir entièrement la société WRIGHT MEDICAL FRANCE des condamnations prononcées solidairement à leur encontre, que « la cause exclusive du dommage est donc bien la rupture inexpliquée de ce sous-composant fabriqué par la société CERAMTEC », la Cour d’appel, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1386-8 du Code civil.