Archives mensuelles : février 2016

1103 is the new 1134…

Publication, hier, 10 février 2016, de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, à l’exception des dispositions suivantes :

1) article 1123, alinéa 3 et 4 en italique ci-dessous (pour mémoire, relatives au pacte de préférence dans les termes suivants : Art. 1123. – Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
« Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
« Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.
« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. »

2)  Art. 1158. – Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.
« L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte.

3) Art. 1183. – Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.
« L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé.

Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne.

De manière plus générale, voici ce qu’en dit le compte-rendu du Conseil des Ministres :

« Le garde des sceaux, ministre de la justice a présenté une ordonnance portant réforme du droit des contrats et des obligations.

L’objectif est de rénover sans bouleverser pour que le droit soit plus adapté aux besoins pratiques des particuliers et des entreprises.

Issus du Code Napoléon, les textes relatifs au droit des obligations sont pour l’essentiel demeurés inchangés depuis deux siècles. Ils n’étaient plus adaptés à la société et devaient être réformés.

Pour ce faire, le ministère de la justice a, sur le fondement d’une habilitation issue de la loi du 16 février 2015, élaboré un avant-projet d’ordonnance, qui a ensuite été soumis à une consultation publique sur internet du 28 février au 30 avril 2015, qui s’est révélée particulièrement efficace. Fruit d’une dynamique constructive associant théoriciens et praticiens du droit et des affaires pour élaborer un outil conceptuellement solide et concrètement performant, l’ordonnance constitue ainsi un texte cohérent à même de répondre aux attentes de l’ensemble des parties intéressées, en leur offrant un droit sûr, efficace, en même temps que protecteur.

Poursuivant l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la règle de droit, le texte consacre et codifie de nombreuses solutions jurisprudentielles, rendant le droit plus prévisible pour tous.Chacun pourra désormais, à la lecture du code, comprendre l’ensemble des étapes de la vie d’un contrat, de sa formation à son exécution.

1/ Des dispositions à destination des acteurs économiques.

L’objectif est de doter les acteurs du monde économique d’un ensemble de règles destinées à faciliter leurs échanges en les rendant plus sûrs. A cet effet, la réforme comporte plusieurs dispositions permettant de réduire les incertitudes qui peuvent survenir dans la vie d’un contrat. L’ordonnance instaure, par exemple, des actions dites interrogatoires. Concrètement, lorsqu’un contractant craint que son contrat ne soit pas valable, il pourra interpeller son partenaire sur cette difficulté afin que ne plane pas, indéfiniment, une menace d’annulation du contrat.

Divers mécanismes juridiques issus de la pratique, mais absents du code civil, sont consacrés, en leur donnant un régime précis et cohérent. Une entreprise pourra par exemple acquérir des contrats pour développer son activité. Elle pourra également céder des dettes pour gérer son patrimoine de façon performante. Et les formalités actuellement exigées en cas de cession de créances sont allégées, pour permettre leur circulation rapide, et obtenir des financements.

Ce souci d’efficacité et de rapidité a aussi conduit à donner aux cocontractants de nouvelles prérogatives, leur permettant d’éviter un recours trop systématique au contentieux. Ainsi, en cas d’inexécution grave, une partie pourra mettre fin au contrat sans nécessairement passer par une décision judiciaire, par une simple notification au créancier. A l’inverse, le cocontractant pourra opposer une simple réduction du prix pour : ne pas anéantir le contrat qui a dans l’ensemble été bien exécuté : par exemple, un particulier qui fait installer une nouvelle cuisine dans son appartement pourra se contenter d’un plan de travail de moindre qualité installé par erreur, en refusant de payer la totalité du prix initialement convenu plutôt que d’exiger une réinstallation complète.

Tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, l’ordonnance renforce le principe selon lequel une copie fiable, en particulier lorsqu’elle est réalisée sur support électronique, a la même force probante que l’original. L’archivage électronique, enjeu majeur pour nos entreprises, s’en trouvera grandement facilité : concrètement, une entreprise faisant le pari de la numérisation ne pourra se voir demander de produire, en cas de litiges, la version papier d’un document que si elle subsiste. Le texte présenté aujourd’hui inscrit ainsi pleinement le droit français dans l’ère numérique.

2/ Des dispositions à destination des particuliers.

Adaptée aux évolutions de l’économie de marché et de la technologie, l’ordonnance n’entend pas renoncer aux valeurs humanistes du droit français et énonce des règles équilibrées, à la fois efficaces et protectrices, toujours dans un cadre clair et précis, permettant des anticipations rationnelles des acteurs économiques.

La réforme consacre la notion de bonne foi à tous les stades de la vie du contrat, y compris au moment de sa formation. Ainsi notamment une personne devra communiquer une information dont elle dispose mais que son partenaire ne peut pas connaître, si elle est essentielle pour qu’il prenne sa décision de contracter ou non (par exemple, dans le cadre de la vente d’un appartement avec vue sur la mer, la construction à venir d’un immeuble bouchant cette dernière).

La réforme protège la partie faible, en sanctionnant par la nullité du contrat l’abus de l’état de dépendance d’une partie : par exemple, la cession des droits d’auteur d’un salarié à une entreprise qui n’aurait été obtenue que dans la crainte d’une compression de personnel sera nulle. Dans le même objectif de protection, un dispositif de lutte contre les clauses abusives dans les contrats d’adhésion est introduit dans le Code civil. Ainsi, une petite entreprise qui ne peut qu’accepter les conditions générales de son partenaire pourra faire écarter les clauses qui créent un déséquilibre manifestement excessif de leurs droits et obligations.

La réforme préserve la relation contractuelle, dans l’intérêt mutuel des parties, en ouvrant, dans les contrats de droit privé, une possibilité raisonnée d’adapter, prioritairement par la négociation, si nécessaire par voie judiciaire, un contrat que des bouleversements économiques imprévisibles rendraient économiquement intenable pour l’une des parties. Par exemple, si en raison d’une crise internationale majeure et imprévisible qui influe sur le cours d’une matière première, une société n’est plus en mesure de fournir le même produit au prix convenu dans son contrat, sauf à vendre à perte, la loi incitera à la renégociation, tout en permettant, en cas d’échec de celle-ci, à chacune des parties de saisir le juge pour rééquilibrer le contrat ou y mettre fin, si elles n’ont pas prévu le contraire.

En dotant ainsi la France de règles lisibles et prévisibles, protectrices mais efficaces, rigoureuses mais pragmatiques, cette ordonnance, répondant à une forte attente en-dehors de ses frontières, lui permettra de renforcer l’attractivité de son système juridique. Elle garantira aux investisseurs un cadre juridique clair, efficace et adapté aux enjeux d’une économie mondialisée et en perpétuelle évolution.

Cette réforme n’est toutefois qu’une première étape. Afin de parachever le chantier de modernisation du droit des obligations, le Gouvernement, comme l’a annoncé le Président de la République le 5 février dernier, s’attèlera prochainement à réformer le droit de la responsabilité civile, qui repose aujourd’hui essentiellement sur cinq articles inchangés depuis 1804. L’indispensable prévisibilité de ces règles, dont chacun s’accorde à dire qu’elles doivent être réécrites, les fortes attentes relatives à la rénovation du droit du dommage corporel, ainsi que le large consensus sur la nécessité de réformer cette matière, ne sauraient cependant occulter la sensibilité des enjeux économiques et sociaux en présence. C’est la raison pour laquelle la Chancellerie soumettra l’avant-projet de réforme qu’elle a élaboré parallèlement aux travaux ayant abouti au texte présenté aujourd’hui à consultation publique dans les semaines qui viennent afin de permettre au Gouvernement de présenter, dans les meilleurs délais, un projet de loi. »

 

Du nouveau en matière d’infection nosocomiale? Peut-être…

En matière d’infection nosocomiale, et après plusieurs années d’évolution, c’est désormais l’établissement de santé qui est au coeur de cette problématique puisqu’il est tenu d’une obligation de sécurité de résultat.

Il ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère (et là, autant dire que c’est quasiment mission impossible, la cause étrangère n’ayant pas encore été précisée en pareil cas : on sait ce qu’elle n’est pas, mais pas ce qu’elle recouvre).

Brièvement, et pour mémoire, il sera rappelé qu’avant la loi du 4 mars 2002, les établissements de santé, et les médecins n’étaient tenus que d’une obligation de moyens. Par la suite, la jurisprudence s’est infléchie en faveur d’une obligation de moyens renforcée avant de retenir en 1999, une obligation de sécurité de résultat.

A la suite de la loi du 4 mars 2002, et, donc, pour les actes réalisés à partir du 5 septembre 2001 (date d’effet des dispositions qui nous intéressent), l’article L1142-1, I, alinéa 2 du code de la santé publique prévoit que les établissements, services et organismes seront responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.

Le professionnel de santé n’est pas visé par ces dispositions, et sa responsabilité ne peut être engagée que par la démonstration d’une faute à son encontre.

Par suite de la loi du 30 décembre 2002, et pour les actes réalisés à compter du 1er janvier 2003, l’établissement indemnise les victimes d’infection nosocomiale tant que le taux d’IPP est égal ou inférieur à 25%.

Au delà de ce seuil, c’est une indemnisation au titre de la solidarité nationale qui est assurée, à charge pour l’ONIAM, le cas échéant, d’exercer un recours subrogatoire à l’encontre de l’établissement de soins en cas de faute de ce dernier.

Cela peut paraître complexe pour le néophyte, évidemment…

Et cela interroge, à tout le moins, sur un point que n’a pas manqué de relever la 1ère chambre de la Cour de Cassation : y a t-il rupture d’égalité des citoyens devant la loi, principe issu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789?

La Cour est saisie d’un pourvoi tendant à voir casser l’arrêt ayant retenu la responsabilité du centre hospitalier déclaré responsable de la survenue d’une infection nosocomiale, mais écarté la responsabilité du praticien, en l’absence de démonstration d’une faute.

Or, la différence de régime de responsabilité selon que l’on est praticien ou établissement de santé a interpellé la Cour, qui a, dans ce contexte, saisi le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Quelle sera l’issue de ce recours?

Difficile à dire, en l’état actuel des choses.

En effet, il existe, dans certaines situations, des différences de traitement, qui constituent des exceptions au principe d’égalité.

On pense, notamment, à l’indemnisation de la tierce personne en matière de faute inexcusable dans le domaine des accidents du travail.

Là où son indemnisation est admise en droit commun sans aucune restriction, elle est subordonnée à la constatation d’un taux d’IPP supérieur ou égal à 80% en matière de législation sur les risques professionnels.

A suivre donc !

 

 

Modernisation du système de santé : quel impact sur les données de santé?

La loi n°2016-41 de modernisation du système de santé a été publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2016.

En quoi cela impacte t-il la règlementation posée par la Loi dite Kouchner du 4 mars 2002 concernant la procédure d’agrément des hébergeurs de données de santé à caractère personnel afin d’assurer la sécurité, la confidentialité et la disponibilité des données de santé à caractère personnel lorsque leur hébergement est externalisé?

Les professionnels de santé, les établissements de santé et la personne concernée peuvent déposer des données à caractère personnel, recueillies ou produites à l’occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet. Cet hébergement de données, quel qu’en soit le support, papier ou informatique, ne peut avoir lieu qu’avec le consentement exprès de la personne concernée. (cf article L1111-8 du code de la santé publique)

Tout responsable de traitement, au sens de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, qui externalise l’hébergement des données de santé à caractère personnel doit respecter les obligations prévues par les articles L1111-8 et R1111-9 à 14 du code de la santé publique, et obtenir l’agrément délivré après instruction du dossier par l’ASIP Santé.

Ce dossier comporte 6 formulaires principaux détaillant les caractéristiques techniques, juridiques et économiques de la prestation d’hébergement.

La loi de modernisation du système de santé revoit les contraintes de l’agrément en l’étendant au secteur social, dès lors qu’il est fait recours à un hébergeur dans le cadre d’une externalisation.

D’autre part, le consentement de la personne concernée est désormais présumé.

Enfin, la loi autorise le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance, à compter du 27 janvier 2016 pour remplacer l’agrément par une évaluation de conformité technique.

3 types de certification sont envisagées : l’une pour l’hébergeur d’infrastructure (fourniture et hébergement physique ainsi que mise en oeuvre des matériels informatiques, maintenance et sauvegardes externalisées), la deuxième pour l’intolérance d’hébergement et la dernière pour l’hébergeur des données de santé (qui regroupe, de fait, les deux premières certifications)

Cela constituerait une simplification dans le sens ou tous les intervenants en la matière seront certifiés et qu’ainsi les contrats d’hébergement et de sous-traitance n’auront plus à intégrer les reports d’obligations à leur égard.

La certification est d’une durée de 3 ans, accordée par le COFRAC.