Archives mensuelles : décembre 2015

Prescription de médicaments : il y a des règles !

Un récent fait divers dans la presse a interpellé grand nombre d’entre nous quant aux modalités de prescription des médicaments de substitution, de type Subutex, notamment.
Lundi 30 novembre 2015, le Dr F. est cité à comparaître devant le Tribunal Correctionnel de Sarreguemines pour escroquerie. Il lui est reproché d’avoir floué l’Assurance Maladie en prescrivant pas moins de 25.000 boite de Subutex, au profit de 177 patients, toxico-dépendants, sur une période de deux ans.
Interdit d’exercice depuis 2013, par la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins, le Dr F. affirme qu’il n’a pas organisé de trafic de Subutex, et s’est contenté de répondre à la demande de patients particuliers, dont aucun médecin ne souhaitait s’occuper par ailleurs.
Il reste que la prescription de certains médicaments, dont le Subutex, est très encadrée.
Pour mémoire, la prescription de médicaments est, de manière générale, renouvelable pour une période maximale de un mois (ou de trois mois si le conditionnement est supérieur à un mois) dans la limite de 12 mois de traitement. ( cf article R5123-2 du code de la santé publique)
L’ordonnance doit comporter la durée du traitement ainsi que la possibilité, le cas échéant, de voir renouveler une fois la délivrance des médicaments sans nouvelle ordonnance.
Voici pour le cas général.
Il existe, également, plusieurs autres hypothèses qui, chacune, emportent des modalités de prescription particulières.
Le médecin peut estimer que le médicament est non substituable et que le pharmacien ne peut proposer le générique au patient, mais doit délivrer impérativement la spécialité prescrite. En pareil cas, le médecin doit mentionner en toutes lettres « non substituable » devant sa prescription. Une abréviation n’est pas suffisante. (cf article L5125-23 du code de la santé publique)
S’agissant des médicaments prescrits en dehors des indications thérapeutiques remboursables, il appartient au médecin de faire figurer de manière expresse sur l’ordonnance le caractère non remboursable.
Les mentions « NR », « hors indications remboursables » ou encore « non remboursable » sont impératives. (Cf articles L162-4 et R162-1-7 du code de la sécurité sociale).
Pour les médicaments soumis à prescription restreinte, il existe plusieurs possibilités.
La première concerne les médicaments classés en réserve hospitalière, c’est à dire qu’ils ne peuvent être prescrits en ville, et leur administration ne peut être faite qu’au cours de l’hospitalisation du patient. (cf articles R5121-82 et 83 du code de la santé publique)
La deuxième vise les médicaments à prescription hospitalière, qui ne peuvent être prescrits en ville mais peuvent être délivrés en officines de ville. (cf articles R5121-84 à 86 du code de la santé publique)
La troisième concerne les médicaments à prescription initiale hospitalière, qui peuvent faire l’objet d’un renouvellement en ville, en renouvellement d’une ordonnance hospitalière. (cf articles R5121-87 à 89 du code de la santé publique)
La quatrième vise les médicaments à prescription réservée à des médecins spécialistes. Le renouvellement de l’ordonnance peut, cependant, être faite par tout médecin. (cf articles R5121-90 à 92 du code de la santé publique)
                                                                                    
La cinquième concerne les médicaments nécessitant une surveillance particulière qui ne peuvent être prescrits que si certains examens sont réalisés.
Les médicaments soumis à accord préalable du service médical de l’Assurance Maladie nécessitent que ce dernier soit consulté avant instauration du traitement. Cette démarche peut se faire en ligne.
En cas de refus de prise en charge, le médecin devra apposer la mention non remboursable sur l’ordonnance. En effet, ce n’est pas le principe du traitement qui est refusé mais bien son remboursement par l’assurance maladie.
Pour les médicaments d’exception, ces derniers ne peuvent être pris en charge que s’ils sont prescrits dans le respect des indications thérapeutiques prévues par la fiche d’information thérapeutique.
Enfin, pour la prescription de stupéfiants, une ordonnance sécurisée doit être utilisée, avec l’indication en toutes lettres de la quantité prescrite, des unités par prise.
Le pharmacien délivre l’intégralité du traitement si l’ordonnance est présentée dans les 3 jours de sa rédaction. Au delà, seul le traitement correspondant à la durée restante sera remis au patient.
Une nouvelle prescription ne peut être faite ni exécutée pendant la période déjà couverte pendant la précédente ordonnance.
S’agissant des durées de prescription, certains médicaments ne peuvent être prescrits que pour une durée maximale.
Ainsi, pour l’anti-acnéique, Roacutane, la durée est de 4 semaines au maximum, avec un renouvellement sous condition de suivi biologique strict.
Pour les stupéfiants, la durée maximale est de 28 jours, et pour les hypnotiques, la durée est portée à 4 semaines.
Enfin, pour les anxiolytiques, la durée maximale est de 12 semaines.
Et la délivrance de certains médicaments doit être fractionnée, par période de 7 jours, ou de 14 jours sauf à ce que le médecin juge nécessaire une délivrance en une seule fois, mention qu’il portera, alors, en toutes lettres sur l’ordonnance. (cf article R5132-3° du code de la santé publique)
Aussi, au regard de ce qui est reproché au Dr F, on ne peut que comprendre les poursuites dont il fait l’objet (compte tenu du tuilage d’ordonnance, notamment), même si, et comme il le prétend, lui même, le trafic de stupéfiant ne peut être à proprement parler retenu ni démontré.
Peut-être a t-il voulu rendre service, ou s’est-il laissé abuser par une patientièle très particulière ?
Hier soir, trois ans de prison ont été requis par le Procureur de la République à l’encontre du Dr F.
A suivre, donc !