Archives mensuelles : février 2014

Chirurgie esthétique : acte de soins?

Les actes de chirurgie esthétique, lorsqu’ils sont réalisés dans les conditions des articles L6322-1 et L6322-2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L1142-1 du code susvisé.
Tel est le sens d’un arrêt publié par la Cour de Cassation, en date du 5 février 2014. (pourvoi n°12-29.140)
L’arrêt, intervenu à la suite du décès d’une jeune patiente peu avant la réalisation d’une liposuccion, est ainsi rédigé :

 

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2012), que, le 11 décembre 2002, Elise Z…, alors âgée de 22 ans et admise au Centre chirurgical de Paris pour une liposuccion, est décédée des suites d’un malaise cardiaque provoqué, avant l’anesthésie, par l’injection de deux produits sédatifs ;
Attendu que ses ayants droit, font grief à l’arrêt, ayant déclaré M. Y…, médecin anesthésiste et M. X…, chirurgien, responsables, en raison d’un manquement à leur obligation d’information et de conseil, d’une perte de chance de 30 % d’éviter le dommage, de dire que, le décès étant dû à un accident médical non fautif, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) devait indemniser les demandeurs à hauteur de 70 % du préjudice subi, alors, selon le moyen :
1°/ que les actes de chirurgie esthétique, qui tendent à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, ne sont pas des actes de prévention, de diagnostic ou de soins au sens de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique, qui prévoit, sous certaines conditions, la réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices du patient et de ses ayants droit en cas d’accident médical directement imputable à un tel acte, lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement médical n’est pas engagée ; qu’en retenant que l’administration de médicaments sédatifs en pré-opératoire destinée à apaiser l’angoisse d’une personne qui allait être soumise à une opération de chirurgie esthétique constitue un acte de soins, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
2°/ que l’acte médical dont le seul objet est de permettre à une personne d’être en condition physique ou psychique pour la réalisation d’un acte insusceptible de constituer un acte de prévention, de diagnostic et de soins ne peut lui-même constituer un acte de soins au sens de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que l’administration des sédatifs a été réalisée en préparation d’une opération chirurgicale esthétique pour apaiser les angoisses de la personne concernée, et avait pour seul objet de permettre à cette dernière de subir une opération sans visée thérapeutique ou reconstructrice ; qu’en retenant que peu importait le motif de l’opération chirurgicale dès lors que l’administration de sédatifs intéressait directement la santé de la patiente, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
Mais attendu que les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322 1 et L. 6322 2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142 1 du même code ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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Pour mémoire :
article L6322-1 du CSP :

Une intervention de chirurgie esthétique, y compris dans les établissements de santé mentionnés au livre Ier, ne peut être pratiquée que dans des installations satisfaisant à des conditions techniques de fonctionnement. Celles-ci font l’objet d’une certification dans les conditions prévues à l’article L. 6113-3.
La création de ces installations est soumise à l’autorisation de l’autorité administrative territorialement compétente. L’autorisation, qui entraîne la possibilité de fonctionner, est accordée pour une durée limitée renouvelable. Elle est subordonnée au résultat d’une visite de conformité sollicitée par la personne autorisée et menée par l’autorité administrative compétente.
Elle est réputée caduque si l’installation n’a pas commencé à fonctionner dans un délai de trois ans. De même, sauf accord préalable de l’autorité administrative sur demande justifiée du titulaire de l’autorisation, l’arrêt du fonctionnement de l’installation pendant une durée supérieure à six mois entraîne la caducité de l’autorisation. La caducité est constatée par l’autorité administrative compétente.
L’autorisation est retirée si une publicité directe ou indirecte sous quelque forme que ce soit est effectuée en faveur de l’établissement titulaire de ladite autorisation.
L’autorisation peut être suspendue totalement ou partiellement, ou peut être retirée par l’autorité administrative compétente pour les motifs et dans les conditions prévues à l’article L. 6122-13. Toutefois, l’avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire n’est pas exigé.
L’activité, objet de l’autorisation, n’entre pas dans le champ des prestations couvertes par l’assurance maladie au sens de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.

article L6322-2 du CSP :

Pour toute prestation de chirurgie esthétique, la personne concernée, et, s’il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d’un devis détaillé. Un délai minimum doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l’intervention éventuelle. Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu de la personne concernée une contrepartie quelconque ni aucun engagement à l’exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l’intervention.